Les collectivités territoriales peuvent conclure un bail emphytéotique administratif sur les biens immobiliers leur appartenant, en vue de la réalisation d’une opération d’intérêt général relevant de leur compétence ou en vue de l'affectation à une association cultuelle d'un édifice du culte ouvert au public (art. L. 1311-2 du CGCT). L’arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 15 juin 2023 illustre ce que peut recouvrir la notion d’opération d‘intérêt général relevant de la compétence de la collectivité locale bailleresse.
En l’espèce, une commune conclut avec une société un bail emphytéotique portant sur une centrale hydraulique installée sur un barrage.
A la suite du refus du préfet d’accorder l’autorisation d’exploiter la centrale hydraulique aux motifs que la centrale ne respecte pas les prescriptions de l’article L. 214-18 du Code de l’environnement exigeant que les dispositifs maintiennent dans le lit du cours d’eau un débit minimal, la société hydro-électrique assigne la commune en condamnation à réaliser les travaux de mise en conformité et en indemnisation devant le juge judiciaire. Cette dernière soulève l’exception d’incompétence au profit de la juridiction administrative.
La Cour de cassation rappelle les dispositions du Code de l’énergie et du Code général des collectivités territoriales selon lesquelles les collectivités concourent avec l’État, d’une part, à la politique énergétique, laquelle suppose la diversification des sources d’énergies et le développement des énergies renouvelables et, d’autre part, à la protection de l’environnement et la lutte contre l’effet de serre par la maîtrise et l’utilisation rationnelle de l’énergie.
Selon elle, « la mise à disposition, par l’effet d’un bail emphytéotique, d’une centrale hydroélectrique, en vue de la production et de la vente d’électricité à un fournisseur d’énergie, en ce qu’elle favorise la diversification des sources d’énergie et participe au développement des énergies renouvelables, constitue une opération d’intérêt général relevant de la compétence de la commune ».
Cela conduit la Cour de cassation à requalifier le bail qui avait été conclu en bail emphytéotique administratif et à confirmer la compétence de la juridiction administrative.
Au-delà de l’éclairage que cet arrêt apporte sur la notion d’opération d’intérêt général relevant de la compétence de la collectivité territoriale bailleresse, l’arrêt de la Cour de cassation montre le caractère d’ordre public des dispositions du Code général des collectivités territoriales : un bail emphytéotique qui répond aux critères de l’article L. 1311-1 du CGCT doit nécessairement être qualifié de bail emphytéotique administratif et les litiges nés de ce bail relèvent nécessairement des juridictions de l’ordre administratif.