Un arrêt du Conseil d’État du 1er octobre 2024 rappelle que l’impact sur l’environnement et notamment sur les milieux doit être pris en compte dans la délivrance des arrêtés d’enregistrement ICPE.
Le 13 août 2021, la société Centrale Biométhane du Roi Morvan demande l’enregistrement au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) d’une installation de méthanisation de déchets agricoles et industriels. Le volume total de déchets admis sur le site est d’environ 33 000 tonnes par an soit 90 tonnes par jour.
Par un arrêté du 16 janvier 2023, le préfet du Morbihan procède à l’enregistrement de cette installation. Plusieurs associations de protection de l’environnement demandent au tribunal administratif puis à la cour administrative d’appel d’annuler cet arrêté.
Il est tout d’abord rappelé les dispositions de l’article L. 512-7 du Code de l’environnement, selon lesquelles sont soumises à autorisation simplifiée, sous la dénomination enregistrement, les installations qui présentent des dangers ou inconvénients graves pour les intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du même code, lorsque ces dangers et inconvénients peuvent, en principe, eu égard aux caractéristiques des installations et de leur impact potentiel, être prévenus par le respect de prescriptions générales.
Toutefois, le préfet peut décider à l’aune de l’article L. 512-7-2 du même code, que la demande d’enregistrement sera instruite selon les règles de procédure prévues par le chapitre unique visant l’autorisation environnementale notamment si, au regard de la localisation du projet, en prenant en compte les critères mentionnés à l’annexe III de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, la sensibilité environnementale du milieu le justifie.
Les installations de méthanisation de matière végétale brute, effluents d’élevage, matières stercoraires, lactosérum et déchets végétaux d’industrie agroalimentaires relevant de la rubrique 2781 relèvent du régime de l’enregistrement lorsque la quantité de matières traitées est supérieure à 30 t / jour mais inférieure 100 t / jour.
En considération des éléments précités, le préfet doit se livrer à un examen du dossier pour apprécier tant au regard de la localisation du projet que des autres critères relatifs à la caractéristique des projets et aux types et caractéristiques de l’impact potentiel, si le projet doit faire l’objet d’une évaluation environnementale, ce qui conduit alors à le soumettre au régime de l’autorisation environnementale.
En l’espèce, l’arrêté litigieux procède à l’enregistrement d’une unité de méthanisation qui traitera près de 90 tonnes par jour, soit, une quantité très proche du seuil de l’autorisation qui est de 100 tonnes par jour. Il résulte de l’instruction du dossier différents critères relatifs à la caractéristique des projets, notamment que :
- Les parcelles présentent un enjeu écologique modéré, néanmoins, s’agissant des haies l’enjeu est très fort puisqu’elles jouent un rôle d’habitat pour différentes espèces ainsi qu’un rôle de corridor écologique et constituent l’habitat de plusieurs espèces protégées pour lesquelles la société pétitionnaire a, par ailleurs, sollicité une dérogation ;
- Le conseil scientifique régional du patrimoine naturel de Bretagne a rendu un avis défavorable le 23 novembre 2022 ;
- Le projet est situé à 50 mètres d’une ZNIEFF de type 2 ainsi qu’à proximité de plusieurs autres ZNIEFF lesquelles constituent un enjeu majeur du territoire, très vulnérables vis-à-vis des pollutions ;
- Une zone humide borde le terrain d’implantation du projet.
Dès lors, le préfet ne peut légalement estimer, tant au regard de la localisation du projet, de ses caractéristiques, que du type et des caractéristiques de son impact potentiel, que celui-ci ne présente pas une sensibilité environnementale justifiant la mise en œuvre des dispositions de l’article L. 512-7-2 prévoyant la possibilité de faire basculer une ICPE soumise à enregistrement vers le régime de l’autorisation environnementale. L’arrêté d’enregistrement est annulé.
CAA Nantes 1er octobre 2024, n° 24NT00242