La Cour de cassation revient dans un arrêt du 30 novembre 2022 sur la notion de trouble actuel nécessaire pour actionner la garantie d’éviction pensant sur le vendeur.
En l’espèce, l’acquéreur achète une maison avec piscine en 2011. En 2012, l’acquéreur reçoit un courrier qui l’informe d’un empiètement sur son fonds de la piscine et d’une barrière et qu’il lui appartient de prendre les mesures nécessaires. En 2016, le voisin lui adresse un nouveau courrier qui renouvelle cette demande et le met en garde contre une éventuelle démolition judiciaire. L’acquéreur décide alors d’assigner son vendeur sur le fondement de la garantie d’éviction.
La Cour cassation rejette le pourvoi au motif que « la cour d’appel, par motifs propres et adoptés, a énoncé à bon droit que l’éviction supposait un trouble actuel et non simplement éventuel, la simple connaissance par l’acquéreur de l’existence d’un droit au profit d’un tiers susceptible de l’évincer ne suffisant pas à lui permettre d’agir en garantie ». Elle donne raison à la Cour d’appel qui considère que les courriers adressés par le voisin sans qu’il y donne de suite et sans qu’il intente d’action judiciaire n’établissent pas la preuve d’un trouble actuel subi par l’acquéreur.
Cet arrêt s’inscrit dans la continuité de la doctrine et de la jurisprudence qui exigent un trouble actuel et non simplement un trouble éventuel. L’éviction suppose que le tiers fasse valoir un droit sur le bien vendu et conteste celui de l’acquéreur. Il n’y a pas d’éviction dans l’hypothèse « de vagues menaces sans lendemain » (Ph. Malaurie, L. Aynès et P-Y Gautier, Droit des contrats spéciaux, 10ème ed., coll. Droit civil, LGDJ, n° 356).
La jurisprudence précise les situations de nature à constituer un trouble actuel. Ce dernier ne doit pas nécessairement se manifester par un jugement condamnant l’acquéreur, il a été admis qu’il y avait éviction lorsqu’un tiers exerce une action en justice (Cass. 3ème civ. 4 juillet 1968, n° 66-12.296 ; Cass. 3ème civ. 3 décembre 2008, n° 07-14.545 et n° 07-17.516).
L’éviction peut également être constituée lorsque l’acquéreur délaisse volontairement le bien pour éviter un procès, à condition que le droit invoqué par le tiers soit incontestable, de sorte que toute opposition est vouée à l’échec. Le délaissement appelle toutefois à la prudence car s’il s’avérerait que le droit du tiers n’était pas indiscutable, le vendeur pourrait lui reprocher d’avoir abandonné son droit sur le bien alors qu’il pouvait opposer des moyens de défense. Dans le cas d’espèce, la Cour d’appel souligne d’ailleurs implicitement que des moyens de défense auraient pu être soulevés par l’acquéreur : la piscine a été démolie et l’acquéreur aurait pu tenter de se prévaloir de la prescription acquisitive sur la portion de terrain litigieuse.
Cass. 3ème civ. 30 novembre 2022, n° 21-20.033