CONTRATS DE FINANCEMENT ET COVID-19
La force majeure peut-elle être invoquée ?
Depuis le début de la crise du coronavirus Covid-19, et surtout depuis l’adoption de mesures gouvernementales exceptionnelles restreignant l’activité de nombreuses entreprises et les déplacements sur le territoire, des questions sont susceptibles de se poser pour les contrats en cours de financement d’actifs et de portefeuilles immobiliers, qui peuvent se voir impactés notamment par le biais du non-respect de certains ratios financiers.
On sait que la pratique contractuelle en matière de financement de l’immobilier commercial consiste à exclure conventionnellement le jeu de la théorie de l’imprévision, qui permet, aux termes de l’article 1195 du Code civil, à une partie de demander une renégociation du contrat à son cocontractant en cas de survenance d’un « changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat » rendant l’exécution excessivement onéreuse « pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque ».
L’imprévision étant exclue, reste la notion de force majeure. Il est assez fréquent en pratique que la documentation de financement ne contienne pas de clause spécifique consacrée à la force majeure. Dans ce cas, les dispositions de l’article 1218 du Code civil ont vocation à s’appliquer. Rappelons que ce texte caractérise un évènement comme relevant de la force majeure lorsque sont cumulativement réunis les éléments suivants :
- l’événement en question doit échapper au contrôle du débiteur de l’obligation (condition extériorité)
- il ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat (condition d’imprévisibilité) ;
- et ses effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées (condition d’irrésistibilité).
Au regard de ces différentes conditions, les solutions de la jurisprudence ayant eu à préciser les contours de la notion de force majeure dans les situations de précédentes épidémies (SRAS, H5N1, Ebola, etc. – voir notamment CA Paris, Pôle 1, ch. 3, 29 mars 2016, n° 15/05607), généralement réticente à reconnaître ces situations comme relevant de la force majeure, ne sont pas nécessairement transposables à la pandémie actuelle, compte tenu de sa gravité et de l’impact massif des mesures gouvernementales de confinement sur l’économie.
Il faut aussi noter que, toujours selon l’article 1218 (al. 2), si l’empêchement est temporaire – comme on peut l’espérer s’agissant de la pandémie du Covid-19 –, l’exécution de l’obligation affectée par la force majeure serait seulement suspendue (le contrat n’est donc pas résolu), « à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat ».