En application du droit commun, le bail de courte durée, dit « bail dérogatoire », cesse de plein droit à l’arrivée du terme, sans qu’il soit nécessaire de donner congé (art. 1737 Code civil ; Cass. 3ème civ. 15 mars 1972, n° 71-10.482*). En revanche, en application des règles spécifiques au statut des baux commerciaux, si le locataire reste et est laissé en possession des lieux un mois après son expiration, il s’opère un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux (art. L. 145-5 al. 2 Code de commerce). Par un arrêt du 16 mars 2023, la Cour de cassation rappelle que dans ce type de bail, la restitution des lieux loués se matérialise aussi par la remise des clés par le locataire au bailleur.
Dans l’affaire considérée, un bail dérogatoire est conclu le 6 janvier 2015 pour deux ans. La bailleresse estime qu’à défaut de libération des lieux, un bail commercial statutaire succède au premier, et assigne la preneuse en paiement d’un arriéré de loyers.
La Cour d’appel de Rouen rejette sa demande en paiement d’une indemnité d’occupation pour la période postérieure au terme du bail dérogatoire. Elle retient que l’absence d’occupation réelle des locaux par la preneuse est démontrée, de sorte que la bailleresse, qui en avait connaissance, était en mesure de reprendre possession des lieux (CA Rouen 7 octobre 2021 n° 21/02963).
La bailleresse se pourvoit en cassation, arguant qu’à l’expiration du contrat fondant l’occupation, la libération des lieux ne peut résulter que de la remise effective des clés, à moins qu’il soit constaté que le bailleur ait refusé de les recevoir.
La Haute juridiction accueille cette argumentation et casse l’arrêt de la cour d’appel au motif qu’en ne constatant pas que les clefs avaient été remises à la bailleresse ou que celle-ci avait refusé de les recevoir, la cour d’appel a violé l’article 1737 du Code civil.
La Cour rappelle ainsi la matérialisation de la libération des lieux par la remise effective des clés au bailleur, qui résulte de son arrêt de principe du 13 octobre 1999 (n° 97-21.683).
La Haute juridiction confirme donc cette solution dont elle avait déjà fait application au cas spécifique du bail « dérogatoire » (Cass. 3ème civ. 8 avril 2021 n° 20-14.247).
La question de la libération des lieux n’est pas spécifique au bail dérogatoire, mais revêt dans le cas de celui-ci une dimension particulière liée au risque de naissance d’un nouveau bail commercial soumis au statut si le locataire reste en possession des lieux un mois après l’expiration du bail, risque auquel le bailleur doit être attentif (cf. article L. 145-5 Code de commerce).
Cass. 3ème civ. 16 mars 2023, n° 21-25.002