L’exception d’inexécution permet au débiteur d’une obligation de refuser d'exécuter ses engagements, en raison de l'inexécution dont il a été lui-même antérieurement victime de la part de son créancier. Par un arrêt en date du 6 juillet 2023, la Cour de cassation rappelle qu’il doit être recherché si les locaux ont été rendu impropres à l’usage auquel ils étaient destinés pour autoriser le preneur à se prévaloir d’une exception d’inexécution.
Dans l’affaire considérée, une locataire suspend le paiement des loyers, en raison d’infiltrations d’eau affectant le local loué, la carence de la bailleresse, pourtant tenue d’une obligation de délivrance ayant laissé perdurer les désordres.
La bailleresse assigne en résiliation du bail, expulsion de la preneuse, et paiement d’indemnité d’occupation par celle-ci.
La Cour d’appel de Douai (CA Douai 10 mars 2022 n° 19/03921) considère que l’exception d’inexécution est acquise au profit du preneur, à raison du manquement du bailleur à l’une de ses obligations essentielles à savoir procéder aux réparations et garantir la jouissance d’un local conforme à la destination contractuelle de celui-ci.
La Cour d’appel considère que le versement des loyers peut être suspendu, peu important que l’exploitation ne soit pas totalement impossible, les manquements du bailleur à l’obligation de délivrance et à celle de jouissance paisible étant d’une gravité suffisante pour justifier l’exception d’inexécution.
La bailleresse se pourvoit en cassation reprochant à la cour d’appel de ne pas avoir recherché si les manquements qui lui étaient reprochés rendait impossible la jouissance des lieux.
La Haute juridiction accueille l’argument de la bailleresse et casse l’arrêt de la cour d’appel au motif qu’en se déterminant sans rechercher si les infiltrations avaient rendu les locaux loués impropres à l’usage auquel ils étaient destinés, elle a privé sa décision de base légale.
En effet, le droit commun impose au preneur de payer le prix du bail aux termes convenus. Le preneur ne saurait s’en exempter en raison d’un manquement du bailleur à ses obligations propres, à moins qu’il ne puisse pas utiliser les lieux loués (article 1728 du Code civil).
Cet arrêt s’inscrit donc dans une jurisprudence établie, selon laquelle les juges du fond, certes souverains pour apprécier le bien-fondé de l’exception d’inexécution, doivent constater l’impossibilité d’user des lieux conformément à la destination prévue au bail.
Cass. 3ème civ. 6 juillet 2023, n° 22-15.923