Les délais en matière de cession de fonds de commerce sont particulièrement importants car ils conditionnent, outre l’efficacité juridique de l’acte de cession, la date à laquelle le CEDANT va pouvoir récupérer son prix de vente.
Si traditionnellement, il est d’usage d’indiquer au cédant que son prix de vente lui sera remis dans un délai de 5 mois et demi[1] à compter de la signature de l’acte, qu’en est-il suite à la période d’urgence sanitaire que nous venons de traverser ? Peut-on être sûr que les formalités de publicité sont valablement réalisées ? La fin de la période juridiquement protégée (12 mars 2020 au 23 juin 2020) permet-elle au notaire, séquestre du prix d’une cession de fonds de commerce, signée en début d’année, de délivrer le prix de vente au cédant ?
L’entrée en vigueur de l’arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus COVID-19, a forcé le législateur à prendre diverses mesures exceptionnelles afin d’assurer la sécurité juridique des actes. L’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la propagation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période, modifiée par l’ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020 et dernièrement par l’ordonnance n°2020-560 du 13 mai 2020, ainsi que l’ordonnance n°2020-666 du 03/06/2020 relative aux délais applicables en matière financière et agricole pendant l’état d’urgence sanitaire, ont entre autres, précisé les dispositions applicables aux délais et mesures ayant expiré ou expirant pendant la période juridiquement protégé.
En temps normal, les formalités suite à la cession d’un fonds de commerce se déroulent comme suit :
Depuis la COVID-19, qu’en est-t-il ? A la lecture des différentes ordonnances susvisées, des articles L.141-12 et L.141-17 du Code de commerce, des articles 201 et 1684 du code général des impôts, et de l’avis de la Chancellerie en date du 10 avril 2020 mis à jour les 15 mai 2020 et 4 juin 2020, il ressort que :
- Concernant les délais de publicité (journal d’annonces légales et BODACC)
Une publication tardive n’entraînera pas la nullité de l’acte de cession, mais simplement le report du point de départ du délai d’opposition de 10 jours aux créanciers du CEDANT pour faire opposition sur le prix de cession ;
- Concernant le délai de solidarité fiscale et la date à laquelle le prix de vente pourrait être remis au CEDANT
Si les oppositions des créanciers ont été régulièrement effectuées pendant la période juridiquement protégée, elles prendront effet de plein droit. En revanche, en présence d’un « créancier tardif », ce dernier pourra faire valoir sa créance dans un délai de dix jours à compter du 24 juin 2020, mais ne pourra pas faire opposition au versement du prix de vente entre les mains du CEDANT, si la publication au BODACC a été effectuée pendant la période juridiquement protégée. Il s’agit là d’une délicate articulation entre le délai d’opposition et les articles L.141-17 du code de commerce et 2 de l’ordonnance du 25 mars 2020.
En revanche, s’agissant du délai de solidarité fiscale, malgré le fait qu’il ait pu s’éteindre lors de la période juridiquement protégée, il demeure tout de même reconduit pour deux mois à compter du 24 juin 2020 ou 30 jours.
La complexité de l’articulation des mesures exceptionnelles et des impératifs légaux impose au notaire des vérifications supplémentaires. Celles-ci peuvent se trouver dans la pratique développée par certains rédacteurs d’obtenir un certificat d’acquittement des taxes et impôts dus par le CEDANT auprès des organismes concernés (Trésor Public, URSAFF,…), et ce afin de s’assurer de l’apurement de sa situation fiscale, permettant ainsi de lui délivrer son prix en toute sécurité et, éventuellement raccourcir le délai de solidarité fiscale.
[1] ou trois mois et mi sous certaines conditions.