L’article L. 145-7-1 du Code de commerce applicable aux baux de résidences de tourisme prive le preneur de la faculté de résilier le bail à échéance triennale, reconnue au locataire commercial par l'article L. 145-4 du Code de commerce.
Par un arrêt, très attendu, en date du 7 septembre 2023, la Cour de cassation tranche la question de la soumission, ou non, du bail renouvelé portant sur une résidence de tourisme à la prohibition du congé triennal émanant du locataire (art. L. 145-7-1 du Code de commerce).
Dans l’affaire considérée, un bail commercial portant sur une résidence de tourisme a été renouvelé le 21 septembre 2010 expirant, sauf résiliation anticipée, le 30 septembre 2021. Par acte extrajudiciaire du 24 mars 2015, le preneur avait fait délivrer aux bailleurs, au visa des articles L. 145-4 et L. 145-9 du Code de commerce un congé pour le 20 septembre 2015. Les bailleurs contestaient la régularité dudit congé au regard de l’article L. 145-7-1 du Code de commerce.
A titre liminaire, le preneur avait saisi le juge de la mise en état d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur ledit article L. 145-7-1 du Code de commerce, question rejetée par la Cour de cassation par un arrêt du 16 mars 2017 pour absence de caractère sérieux.
Saisie par le preneur la Cour d’appel de Paris (CA Paris Pole 5 ch. 3 27 janvier 2021 n° 19/14665) avait considéré :
- qu’il résultait des débats parlementaires que le texte a été introduit afin de lutter contre le désengagement du preneur lors du bail initial et parfois même lors de la première période triennale du bail initial, ce qui avait notamment pour effet de priver les bailleurs du bénéfice fiscal qu’ils pensaient obtenir en concluant ce type de baux commerciaux ;
- que cet avantage fiscal prenant fin avec le premier bail, l’article L. 145-7-1 du Code de commerce qui institue un régime dérogatoire au régime légal de droit commun qui permet au preneur de mettre fin au bail à l’issue de chaque période triennale en application de l’article L. 145-4, et protège ainsi le bailleur pendant la durée initiale de neuf ans de toute perte de l’avantage fiscal,
- qu’il n’a plus de justification en ce qui concerne les baux ultérieurement renouvelés, et qu’ il est de principe que la loi cesse, là où cesse ses motifs ;
- Qu’en outre, l’application littérale du texte, en ce qu’il se réfère à la notion de « signature », aurait pour effet d’établir une différence entre les bailleurs qui auraient signé un contrat de bail renouvelé et ceux auxquels un tel document n’aurait pas été proposé à la signature, mais qui seraient néanmoins tenus envers le preneur par un bail renouvelé non signé, ce qui serait dépourvu de sens.
En conséquence, la Cour d’appel de Paris avait donc considéré qu’il convenait d’interpréter ledit article L. 145-7-1 du Code de commerce, en ce que le terme « baux signés » renvoie à la notion de “baux initiaux conclus lors de l’édification de la résidence ou lors de sa réhabilitation selon les conditions fixées au code général des impôts” (arrêt précité).
Dans ces conditions, s’agissant en l’espèce d’un bail renouvelé et en toute hypothèse d’un bail qui n’est pas le bail initial conclu après la construction de l’immeuble ou sa réhabilitation dans des conditions permettant aux propriétaires d’obtenir des avantages fiscaux, elle avait donc considéré que le preneur pouvait délivrer un congé au bailleur afin d’y mettre un terme en fin de période triennale, en application de l’article L. 145-4.
Rappelons que d’autres cours d’appel avaient pu juger que l’interdiction des congés triennaux délivrés par les résidences de tourisme s’appliquait également aux baux renouvelés (CA Poitiers 28 mai 2019, n° 17/03289 ; CA Rennes 22 septembre 2021, n°18/02985)
A noter qu’antérieurement, une réponse ministérielle du 13 novembre 2014 (Rép. min. n° 10749, JO Sénat 13/11/2014) avait considéré que passé le délai de la durée minimale de neuf ans, les parties à un bail liant un bailleur à un exploitant d’une résidence de tourisme étaient soumises au statut des baux commerciaux s’agissant du congé triennal du preneur.
La Cour de cassation, saisie de la question de savoir si l’article L. 145-7-1 du Code de commerce s’applique aux baux renouvelés, met fin à cette incertitude
La Haute juridiction, à l’instar de la Cour d’appel de Paris, relève que les travaux parlementaires révèlent que l’objectif poursuivi par le législateur est de rendre fermes les baux commerciaux entre l’exploitant et les propriétaires d’une résidence de tourisme classée afin d’assurer la pérennité de l’exploitation pendant une période initiale minimale de neuf ans et qu’il en résulte que l’article L. 145-7-1 du Code de commerce n’est pas applicable aux baux renouvelés soumis au seul article L. 145-12 du même code.