Le vendeur commet-il un manquement à son obligation de délivrance conforme lorsque le bien, qui était conforme aux stipulations contractuelles au jour de la signature de la vente, perd rétroactivement cette qualité ? Tel était le sujet de l’affaire jugée par la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans l’arrêt commenté. Plus précisément, la Haute Juridiction devait décider s’il convenait ou non de tenir compte de la rétroactivité attachée à la caducité du permis de construire pour apprécier la conformité du bien au jour de la vente.
En l’espèce, une SCI vend en mars 2008 un terrain aux termes d’un acte de vente faisant état d’un permis de construire deux immeubles sur le terrain, délivré en 2004 et dont la non-caducité est attestée par un certificat délivré par le maire en décembre 2007.
Néanmoins, le Tribunal administratif annule en 2012, sur recours d’un voisin, une décision du maire rendue en septembre 2008 qui refuse de constater la péremption du permis de construire. Ce dernier est donc devenu caduc.
L’acquéreur assigne alors sa venderesse sur le fondement du manquement à son obligation de délivrance conforme, estimant que cette caducité l’a empêché de poursuivre son projet.
La Cour d’appel le déboutant de sa demande, celui-ci persiste et se pourvoit en cassation, estimant que, du fait de l’effet rétroactif de la caducité du permis de construire, la SCI ne lui a pas délivré un permis de construire valable, contrairement à ses engagements.
La Cour de cassation ne fait toutefois pas droit à cet argumentaire. Elle souligne que « la conformité du bien vendu et livré aux spécifications contractuelles s’apprécie au moment de la délivrance du bien, soit pour un terrain, lors de la remise des titres de propriété ». Aussi, le permis de construire litigieux n’étant ni caduc ni l’objet de recours au jour de signature de la vente, elle considère que « peu importait l’effet rétroactif de la caducité, dès lors que celle-ci résultait d’un jugement rendu sur une demande postérieure à la vente. ».
Elle opte avec cette décision pour une appréciation de la conformité du bien aux stipulations contractuelles au jour de la signature de la vente, sans tenir compte des conséquences de la rétroactivité d’une caducité prononcée à la suite d’une demande diligentée postérieurement à la vente, dont il résulte que le bien était pourtant devenu rétroactivement non conforme.
Cette solution est sécurisante pour les vendeurs de terrains faisant état dans leur acte de vente de l’obtention d’un permis de construire. Elle écarte en effet l’aléa attaché à la rétroactivité de la caducité de ces autorisations.
Il serait à cet égard intéressant de savoir si la Haute Juridiction retiendrait le même raisonnement dans l’hypothèse d’une promesse de vente consentie sous la condition suspensive d’obtention d’un permis de construire, dont la caducité serait postérieurement prononcée à l’instar des faits de l’espèce. Elle devrait en principe rendre une solution analogue à celle de l’arrêt commenté, dans une même logique de sécurisation de la vente.
Cass. 3ème civ. 16 mars 2023, n° 21-19.460