Par un arrêt en date du 6 juillet 2023, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a été saisie de la question jusqu’alors inédite de l’application des règles de stationnement pour un projet de Coliving.
En l’espèce, en septembre 2017, le maire de Bordeaux délivre à une société un permis de construire valant permis de démolir en vue de la construction de trois maisons, d’une annexe et une piscine en milieu de terrain, avec création totale de trois logements. En juillet 2019, la société sollicite un permis de construire modificatif portant notamment sur la modification de menuiseries sur la façade, la transformation de l’annexe en maison type T3, l’abandon de l’une des maisons prévues et de la piscine.
Le maire de Bordeaux refuse de délivrer le permis de construire modificatif demandé, relevant que la société créé 9 logements (discordance à relever dans le corps de l’arrêt qui énonce également le chiffre 15) au lieu des 3 autorisés par le permis de construire initial, et qu’ainsi elle ne régularise pas les constructions édifiées. Par conséquent, les constructions méconnaissent le règlement de la zone du PLU relatif aux modalités de réalisation des places de stationnement, en ce que le projet n’en réalise que 3 alors qu’il aurait dû en réaliser autant que de logements.
Le Tribunal administratif annule le refus du permis de construire modificatif et enjoint à la commune de délivrer l’arrêté.
Saisie du litige par cette dernière, il revient à la Cour administrative d’appel de Bordeaux de déterminer le nombre de logement créés par ce projet dit de « Coliving » pour l’application des règles en matière de réalisation d’aires de stationnement qui exigent en principe une place par logement.
Pour ce faire, les juges se fondent sur un faisceau d’indices. Ils relèvent que chacun des locataires est titulaire d’un bail d’habitation distinct, et que les chambres sont équipées, pour la plupart, de salle d’eau, de toilettes individuelles, d’un micro-ondes ou encore d’une plaque chauffante amovible pour la cuisson et de portes disposant chacune d’une serrure et d’un œilleton, et, pour certaines d’entre elles, d’un meuble bar cuisson avec réfrigérateur et freezer ou même d’un lave-linge. De ces éléments, ils déduisent, et ce malgré la présence de parties communes (grande cuisine équipée, pièce de vie, buanderie, et jardin) accessibles par tous, que les locataires « bénéficient, s’ils le souhaitent, d’une totale autonomie et ne dépendent pas des services proposés dans les parties communes des bâtiments. ».
Dans ces conditions, ils considèrent que les « chambres » créées par la société dans les deux constructions doivent être regardées comme constituant autant de logements, et confirment que la société aurait dû créer autant de places de stationnement.
Deux enseignements peuvent être tirés de cet arrêt :
- D’une part, la Cour administrative d’appel ne tranche pas la question de la qualification du « Coliving », à supposer que cette question aurait pu l’être compte-tenu de l’hétérogénéité des projets et concepts développés, ou d’un projet particulier de « Coliving » au regard des sous-destinations du Code de l’urbanisme.
Dans l’affaire jugée, le débat juridique ne porte pas sur cette question. La sous-destination Logement a été retenue par le pétitionnaire dans son permis de construire, et la commune de Bordeaux ne conteste pas ce point. Il est cependant intéressant de noter que le projet ne comporte pas de prestations d’hébergement para-hôteliers, et n’accueille pas un public spécifique ; en tout cas, l’arrêt ne le mentionne pas. En ce sens, cet arrêt illustre ce que peut recouvrir un projet de « Coliving » dans la sous-destination Logement.
Pour autant, la sous-destination Hébergement au sein de la destination Habitation (ou autre) est encore permise, en fonction de la vocation principale de la structure, établie là aussi au regard d’un faisceau d’indices.
- D’autre part, dans le cadre d’un projet de « Coliving » développé sous la qualification de Logement, les juges nous offrent un faisceau d’indices permettant d’identifier le nombre de logements créés. L’élément déterminant réside dans la totale autonomie et l’absence de dépendance aux services proposés dans les parties communes des bâtiments, déduits d’éléments factuels, comme l’équipement du logement. Ce faisant, la Cour administrative d’appel de Bordeaux souligne l’importance de concevoir le projet de façon telle qu’il forme un ensemble cohérent, un tout organisé pour promouvoir le vivre ensemble, au travers, le cas échéant, des services, et non pas un agrégat de logements autonomes avec des espaces communs adjacents.