Lorsqu’un local loué est situé dans une zone concernée par l’obligation d’établir un état des risques naturels et technologiques, le bailleur doit joindre ce document au bail commercial (art. L. 125-5 II° C. env.). L’état des risques annexé au contrat doit avoir été établi moins de six mois avant la date de conclusion du contrat de location (art. R. 125-26 C. env.) ; à défaut le locataire peut poursuivre la résolution du contrat ou demander au juge une diminution du prix (art. L. 125-5 V° C. env.). Par un arrêt attendu du 21 septembre 2023 (non publié au Bulletin), la Cour de cassation tranche, après deux renvois après cassation, la question de l’appréciation de l’opportunité du prononcé de la sanction précitée prévue par le Code de l’environnement. Selon la Haute juridiction, même si l’article L 125-5 V° précité prévoit expressément que le locataire peut demander la résolution du contrat en cas de non-fourniture de l'état des risques, le prononcé de cette sanction n'est pas automatiquement acquis. Cette sanction suppose la constatation d’un manquement suffisamment grave, souverainement apprécié par les juges du fond (art. 1224 C. civ.).
Dans l’affaire considérée, une propriétaire entre en négociation avec une preneuse potentielle en vue de la conclusion d’un bail commercial. Avant l’établissement de l’état des lieux et la remise des clefs, la preneuse renonce à la location. La bailleresse délivre un commandement de payer visant la clause résolutoire à la preneuse. La locataire sollicite alors la résolution du bail aux torts de la bailleresse.
La Cour d’appel de Versailles considère qu’un bail commercial s’est valablement formé et prononce la résiliation judiciaire de celui-ci aux torts réciproques des parties (CA Versailles 7 avril 2015). Par un arrêt du 20 octobre 2016, la Cour de cassation infirme cette décision pour défaut de base légale (Cass. 3ème civ. 20 octobre 2016, n° 15-19.533)
Après renvoi, la Cour d’appel de Versailles statue en faveur de la résolution judiciaire aux torts réciproques des parties par un arrêt du 15 janvier 2019, arrêt également cassé par la juridiction suprême, pour ne pas avoir recherché si le manquement imputé à la bailleresse était d’une gravité suffisante, dans les circonstances de l’espèce, pour justifier la résiliation du contrat de bail (Cass. 3ème civ. 10 septembre 2020, n° 19-13.760).
Sur second renvoi, la Cour d’appel de Paris remarque que seul un état des risques naturels et technologiques daté du 2 octobre 2009 a été communiqué par le bailleur au preneur, antérieur de plus de six mois de la date de conclusion du bail ; elle en déduit que le preneur est« en droit de poursuivre la résolution du contrat, sans avoir à justifier d’un quelconque préjudice », et a prononcé la résolution du contrat aux seuls torts du bailleur (CA Paris 2 février 2022 n° 20/14673).
La Cour de cassation, saisie d’un pourvoi à l’encontre de ce dernier arrêt, rappelle les conditions de résolution contrat, fusse-t-il un bail commercial statutaire, lesquelles exigent que le juge du fond recherche si « le manquement imputé à la bailleresse était d’une gravité suffisante, dans les circonstances de l’espèce, pour justifier la résiliation du contrat de location ».
La Haute juridiction confirme les conditions d’application des règles du droit commun relatives à l’inexécution contractuelle (art. 1224 C. civ.) et de sa jurisprudence établie en matière de baux commerciaux statutaires selon lesquelles l’appréciation de la gravité du manquement contractuel relève du pouvoir souverain des juges du fond (Cass. 3ème civ. 6 février 1973, n° 71-13.994 ; Cass. 3ème civ. 25 mai 1976 n° 74-11.671).
Cette décision apporte un nouvel éclairage sur l’appréciation par les juridictions du fonds de la sanction prévue par le Code de l’environnement en cas d’absence de fourniture d’un état des risques.
En effet si certains juges estimaient déjà qu’il ne suffit pas au locataire d’invoquer l’absence d’état des risques pour obtenir automatiquement une diminution du loyer ou la résolution du bail (CA Toulouse 17 mars 2021 n° 18/04865 ; CA Montpellier 23 novembre 2021, n° 18/05477 ; CA Amiens, 26 décembre 2019, n° 18/02512), certaines cours d’appel ont pu juger que la résolution du bail était automatique en l’absence de fourniture d’un tel état (CA Colmar 15 juin 2020, n° 18/01053), à l’instar des cours d’appel dans la présente affaire.
Cass. 3ème civ. 21 septembre 2023, n° 22-15.850