La Cour de cassation rappelle, dans un arrêt du 7 décembre 2022, que l’action en requalification en bail commercial est soumise à la prescription biennale de l’article L. 145-60 du Code de commerce.
Une société donne en location à une autre un terrain nu supportant une station de lavage décrite comme entièrement démontable. La convention de location, conclue le 16 juillet 2009, comporte une clause fixant la durée du bail à sept ans et exclut tout droit au renouvellement.
La bailleresse délivre congé le 24 novembre 2015 à sa locataire pour le 30 juin 2016, puis l’assigne ultérieurement en 2017 en expulsion et paiement d’une indemnité d’occupation.
La locataire sollicite à titre reconventionnel, sur le fondement de l’article L. 145-15 du Code de commerce, l’annulation du congé en raison du caractère non-écrit de la durée du contrat . La Cour d’appel rejette cette demande qu’elle juge prescrite, excluant l’application de l’article L. 145-15 du Code de commerce à un bail conclu le 16 juillet 2009, dont l’action en contestation de sa non-soumission au statut des baux commerciaux était prescrite depuis le 16 juillet 2011.
La société locataire se pourvoit en cassation. Elle fait grief à la Cour d’appel d’avoir déclaré sa demande prescrite. Elle se prévaut du fait que l’action tendant à voir réputée non écrite sur le fondement de l’article L 145-15 précité une clause du bail faisant échec à certaines dispositions du statut des baux commerciaux, n’est pas soumise à prescription, et prétend que cette action doit être considérée comme applicable aux baux en cours au 20 juin 2014 (entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2004 dite loi « Pinel ») quelle que soit la date de leur conclusion.
La Cour de cassation rejette le pourvoi de la locataire. Elle indique que la Cour d’appel « a énoncé, à bon droit, que l’article L. 145-15 réputant non écrites certaines clauses d’un bail, n’est pas applicable à une demande en requalification d’un contrat de bail commercial » et que la demande de la locataire qui tendait à la requalification en bail statutaire de la convention de location de terrain nu du 16 juillet 2009 était soumise à la prescription de deux ans courant à compter de la conclusion de la convention.
La Haute Juridiction a déjà indiqué à plusieurs reprises que l’action tendant à la requalification d’une convention en bail commercial relève de la prescription biennale de l’article L. 145-60 C. com. (Cass. 3ème civ. 23 novembre 2011, n° 10-24.163), dont le délai court à compter de la conclusion de la convention (Cass. 3ème civ. 14 septembre 2017, n° 16-23.590 ; Cass. 3ème civ. 20 décembre 2018, n° 17-26.684).
La décision du 7 décembre 2022 confirme que cette action en requalification relève de la prescription biennale et ne bénéfice pas du régime des actions tendant à la constatation du caractère réputé non écrit d’une clause, qui ne sont pas soumises à prescription (Cass. 3ème civ. 19 novembre 2020, n° 19-20.405).
Si la Cour de cassation refuse d’appliquer l’article L 145-15, ce n’est pas pour des raisons d’application dans le temps de cet article, celle-ci ayant d’ailleurs déjà jugé qu’il était d’application immédiate aux baux en cours lors de l’entrée en vigueur de la loi (Cass. 3ème civ. 19 novembre 2020, n° 19-20.405), mais semble-t-il en raison du champ d’application de cette action qui n’inclut pas la demande en requalification en bail commercial.
Il n’est donc pas possible en pratique pour un locataire de contourner la prescription biennale de l’article L. 145-60 en sollicitant qu’une clause du bail soit réputée non-écrite sur le fondement de l’article L. 145-15.
Cass. 3ème civ. 7 décembre 2022, n° 21-23.103