Cheuvreux Paris

Annulation de la ZAC Pleyel : l’office du juge dans la détermination du degré de précision attendu de l’étude d’impact au stade de la création de la ZAC

22 Fév 2022 Newsletter

Par délibération de son conseil de territoire en date du 25 juin 2019, l’établissement public territorial Plaine Commune (ci-après l’EPT Plaine Commune) a approuvé le dossier de création de la zone d’aménagement concerté « Pleyel » dite ZAC Pleyel située sur le territoire de la commune de Saint-Denis.

Conçu comme un nouveau pôle stratégique autour de la future plus grande gare du Grand Paris Express « Saint-Denis Pleyel », cette opération d’aménagement devait conduire à la requalification d’un ancien quartier industriel d’une surface de 13,6 hectares par la création de 310 000 mètres carrés de surfaces de plancher à usage principalement de bureaux et des logements incluant le projet dénommé « Les Lumières Pleyel » sélectionné dans le cadre de l’appel à projets « Inventons la Métropole du Grand Paris », le tout accompagné du franchissement urbain Pleyel-Landy.

Or, par jugement en date du 13 janvier 2021, le Tribunal administratif de Montreuil, saisi par la société DH 2F, propriétaire de terrains au sein de la ZAC, procède à  l’annulation de la délibération du 25 juin 2019 approuvant la création de la ZAC, d’une part, et de la décision implicite par laquelle le président de l’EPT Plaine Commune a rejeté le  recours gracieux formé à l’encontre de cette délibération, d’autre part, aux motifs qu’eu égard à l’importance des incidences prévisibles sur la santé humaine de ce projet d’aménagement sur un site atteint par une pollution quasi-généralisée, « l’étude d’impact ne pouvait être regardée comme ayant identifié avec une précision suffisante ces incidences et les mesures destinées à les “éviter, compenser ou réduire” et que ces insuffisances, qui ne permettaient pas d’apprécier la faisabilité du projet de ZAC, avaient nécessairement eu pour effet de nuire à l’information complète de la population et avaient été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative. »

L’établissement public territorial Plaine Commune, au soutien duquel se joint la société publique locale Plaine Commune Développement, en qualité de concessionnaire de la ZAC, demandent alors à la Cour administrative d’appel de Paris d’annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par la société DH 2F.

Se fondant sur le principe bien établi selon lequel les inexactitudes, omissions ou insuffisances d’une étude d’impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d’entraîner l’illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative, la Cour confirme le jugement du tribunal administratif du 13 janvier 2021 en ce qu’il annule la création de la ZAC pour insuffisance de l’étude d’impact (i) et précise les conditions dans lesquelles les carences du dossier de l’étude d’impact ne sauraient être suppléées par l’actualisation prévue au stade du dossier de réalisation de la ZAC (ii).

  • L’obligation de fournir une étude d’impact suffisamment précise au stade de création de la ZAC pour permettre une information complète de la population

Rappelons qu’au titre de l’article R. 311-1 du Code de l’urbanisme, l’initiative de la création d’une ZAC peut être prise par l’Etat, une collectivité territoriale ou par un établissement public ayant vocation à réaliser ou faire réaliser l’objet de la zone. L’autorité administrative compétente doit alors constituer un dossier de création extrêmement détaillé, comprenant notamment l’étude d’impact dont le contenu se trouve fixé à l’article R. 122-5 du Code de l’environnement.

Cette étude d’impact doit notamment comporter les mesures pour éviter, réduire ou compenser les effets négatifs du projet sur l’environnement ou la santé humaine. Son contenu doit être proportionnel à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d’être affectée par le projet, à l’importance et la nature des travaux ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l’environnement ou la santé humaine.

Dans l’affaire en cause, il ressort de l’étude d’impact de la ZAC Pleyel que le sous-sol du projet renferme différents polluants résiduels d’anciennes activités sur l’emprise de la zone d’étude ainsi qu’un risque important de dispersion de la pollution notamment lors des terrassements, pouvant également entrainer la contamination des nappes phréatiques. Pour traiter ces sujets, l’étude propose une optimisation de la gestion de la pollution par différentes mesures.

En revanche, si l’étude d’impact identifie bien en phase de chantier des travaux « un risque important de dispersion de la pollution, notamment lors des terrassements, pouvant également entrainer la contamination des nappes phréatiques » et comprend une cartographie des déblais non inertes sur les terrains du projet, issue du diagnostic du bureau d’études EODD,  elle se borne  en revanche, en phase d’exploitation de la ZAC, à reprendre les mesures déjà proposées par ledit  bureau d’études EODD  tout en signalant que « dans le cas où ces mesures ne pourraient être appliquées par défaut à l’ensemble du périmètre d’étude, des études complémentaires devront démontrer la compatibilité de ces milieux avec les usages envisagés. »

En outre, elle mentionne la réalisation d’investigations complémentaires pour les pollutions volatiles ainsi que la proscription de l’usage de la nappe pour les eaux souterraines.

Enfin, l’étude d’impact précise que les futures opérations immobilières à réaliser dans le périmètre de la ZAC devront prendre en considération ces prescriptions alors même, que le constat est d’ores et déjà établi, qu’étant donné le stade d’avancement des différentes opérations de la ZAC, l’estimation totale des dépenses n’est pas connue à ce stade. En effet, le coût des mesures à mettre en place en phase définitive concernant la topographie, la pollution des sols, les eaux souterraines et superficielles apparaissent inhérentes à la conception du projet et des ouvrages.

L’ensemble de ces éléments  conduit  la Cour a considéré qu’alors : « que le contenu de l’étude d’impact doit être proportionné à la sensibilité environnementale de la zone, laquelle en l’espèce présente une pollution majeure susceptible d’affecter la santé des futures populations, cette dernière n’est pas suffisamment précise sur les mesures à prendre, selon les secteurs identifiés dans la zone et le type de constructions qui y sera accueilli, l’estimation des dépenses correspondantes, et les modalités de suivi des mesures d’évitement, au regard des dispositions précitées de l’article R. 122-5 du code de l’environnement. (…) elle se borne à renvoyer à des études complémentaires, comme elle le fait également pour les pollutions volatiles et les eaux souterraines, et les dépenses n’y sont pas chiffrées, ne serait-ce que de manière prévisionnelle, l’étude renvoyant à leur prise en compte seulement au stade opérationnel. »

Au surplus, il convient de noter que les juges s’appuient également sur l’avis rendu le 21 novembre 2018 par l’autorité environnementale qui soulignait déjà  que « les éléments d’informations figurant dans l’étude d’impact sur la manière dont le projet entend mettre en œuvre la séquence éviter, réduire, compenser (ERC) pour les enjeux identifiés restent dans l’ensemble au niveau des généralités et des intentions, sans déclinaison réellement opérationnelle valant engagement du maître d’ouvrage ».

  • L’impossibilité de suppléer les carences de l’étude d’impact par son actualisation au stade de la réalisation de la ZAC.

En réponse à l’avis de l’autorité environnementale précité, le mémoire produit par l’EPT Plaine Commune précise que l’étude d’impact sera actualisée au stade de la réalisation de la ZAC Pleyel « pour présenter les dispositions prévues de manière détaillée et opérationnelle, afin de satisfaire à un niveau d’exigence adapté à l’enjeu fort de pollution des sols identifié sur le site, notamment vis-à-vis des usages les plus sensibles en termes de risques sanitaires ».

Rappelons à cet égard que, conformément à l’article R. 311-7 du Code de l’urbanisme, le dossier de réalisation complète en tant que de besoin le contenu de l’étude d’impact, notamment en ce qui concerne les éléments qui ne pouvaient être connus au moment de la constitution du dossier de création. La Cour administrative d’appel, tire de la lettre même de ces dispositions que les carences de l’étude d’impact au stade de la création de la ZAC : « ne sauraient être suppléées par le dossier de réalisation ” prévu par l’article R. 311-7 du Code de l’urbanisme, lequel ne peut porter, aux termes de ses dispositions mêmes, que sur les éléments qui ne pouvaient être connus lors de la constitution du dossier de création. »

Or, il ressort du rapport de présentation du dossier de création la ZAC, concomitant au dossier d’étude d’impact, que s’avère décrite très précisément la programmation des constructions par typologie de logements, bureaux, équipements, et par secteurs géographiques, en particulier dans ceux qui ont fait l’objet d’un appel à projets lancé par la Métropole du Grand Paris, l’Etat et la Société du Grand Paris. Dès lors, l’EPT Plaine Commune ne pouvait utilement soutenir qu’en l’espèce les caractéristiques et les usages des futures constructions n’étaient pas suffisamment connues au stade de la création de la ZAC – et ce même si tant le dossier de création que le  dossier de réalisation présentent un caractère prévisionnel –  dans la mesure où c’est bien au stade de la première autorisation au sens de l’article L. 122-1-1 du code de l’environnement que les effets du projet, les mesures d’évitement et le coût doivent être appréciés pour permettre d’évaluer la faisabilité de l’opération d’aménagement.

En considération de l’ensemble de ces éléments, la Cour confirme la décision des premiers juges en tant que les éléments du dossier tendent à caractériser  l’insuffisance de l’étude d’impact sur les mesures destinées à éviter les risques pour la santé humaine liés à la réalisation du projet sur des sols pollués, de nature à nuire à l’information de la population, à laquelle cette étude a été soumise par une procédure de participation par voie électronique, et à exercer une influence sur le sens de la délibération d’approbation de la ZAC en cause.

En résumé, si le présent arrêt confirme la tendance à sanctionner très sévèrement les opérations d’aménagement développées sous la forme de ZAC au motif de l’insuffisance de précision de l’étude d’impact au stade du dossier de création, il est aussi l’occasion de reposer clairement la question de l’office du juge administratif dans le contrôle de l’appréciation de la faisabilité d’un projet ressortant d’une stratégie territoriale. Notons d’ailleurs que l’argument a été développé à l’appui de son recours par la SPL Plaine Commune Développement.

Pour autant, une difficulté majeure réside pour les praticiens de l’aménagement quant à la détermination du degré de précision à apporter au dossier d’étude d’impact au stade de la création de la ZAC en vue de donner une information claire et précise au public dès lors que l’ensemble des terrains concernés par un risque de pollution majeur ne sont pas encore la propriété de l’aménageur.  En effet, dans une telle hypothèse, l’ensemble des études préalables et notamment des études pollution sur le site ne pourra pas être réalisée dès la conception du projet et donc de sa création et sera, au contraire, subordonnée par les futures acquisitions de terrains, elles-mêmes conditionnée à la validation politique d’un bilan financier équilibré de la future opération.

Est-ce à dire que le concepteur de la ZAC aurait tout intérêt à ne pas fournir d’éléments trop détaillés concernant la future programmation au stade du dossier de création de manière à ne se lier pour l’avenir et lui permettre ainsi de compléter utilement son dossier au stade de la réalisation.

Une telle attitude, en plus d’être délétère du point de vue de l’information du public, n’apparaitrait de surcroit pas évident en pratique dans la mesure où la mise au point procédurale de telles opérations est aujourd’hui largement menée en temps masqué. Le projet de la ZAC Pleyel en constitue une bonne illustration puisque plusieurs autorisations d’urbanisme nécessaires à la réalisation de projets immobiliers situés au sein de la ZAC ont d’ores et déjà été délivrés, notamment concernant la future gare du Grand Paris Express, le franchissement urbain Pleyel ou encore la première phase du projet Lumières Pleyel.

CAA Paris 21 décembre 2021, n° 21PA01295




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