Cheuvreux Paris

Action en garantie des vices cachés entre entrepreneurs et fournisseurs : précisions sur le point de départ et le délai d’action

22 Fév 2023 Newsletter

Dans un arrêt rendu le 8 février 2023, la Cour de cassation apporte des précisions sur le point de départ du délai de prescription des recours exercés entre les entrepreneurs, vendeurs successifs et fabricants d’un bien affecté d’un vice caché, et ce au titre des ventes conclues antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008.

Dans cette affaire, dans le cadre de la construction d’une maison d’habitation, des époux confient à un entrepreneur le lot « électricité-ventilation » lequel comportait la fourniture et l’installation d’un système de ventilation mécanique contrôlée (VMC). Un incendie se déclare dans les combles de celle-ci postérieurement à la réception de ces travaux intervenue le 27 juillet 2001.

L’assureur du maitre d’ouvrage, subrogé dans les droits de ce dernier, engage une action en décembre 2014 à l’encontre de l’entrepreneur et son assureur, lesquels, en novembre 2015, appellent en garantie le fournisseur de la VMC et son assureur. Ces derniers appellent en garantie le fabricant de la VMC en février 2015, lequel, quelques mois plus tard, appelle à son tour en garantie le fabricant de la carte électronique de la VMC en mai de la même année.

La Cour d’appel de Rennes, dans son arrêt rendu le 27 mai 2021, condamne d’une part à titre principal l’entrepreneur et le fabricant de la VMC, d’autre part, le fournisseur du groupe VMC litigieux audit entrepreneur, et ses assureurs in solidum à garantir l’entrepreneur des condamnations mises à sa charge, et enfin le fabriquant de la carte électronique et ses assureurs à garantir la société fabricante de la VMC des condamnations mises à sa charge.

Le fabricant de la carte électronique et le fournisseur de la VMC forment un pourvoi en cassation en faisant valoir que « l’action en garantie des vices cachés, qui devait être exercée dans un bref délai à compter de la découverte du vice, est (…) enfermée dans le délai de prescription fixé par l’article L. 110-4 du code de commerce » estimant que ledit délai courait à compter de la vente initiale. L’article L. 110-4 étant, rappelons-le, muet sur son point de départ, la Cour d’appel avait en effet déclaré recevables les appels en garantie en prenant pour point de départ du délai de prescription, l’assignation délivrée contre l’entrepreneur.

La Cour de cassation devait donc se prononcer sur le point de départ de l’action en garantie des vices cachés engagée par les acquéreurs successifs de la chose viciée, en l’espèce la carte électronique, et son délai – soit en l’espèce, entre l’entrepreneur et les vendeurs successifs du système de VMC et de ses composantes.

La troisième chambre civile juge que « pour les ventes conclues antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 (…) Le constructeur dont la responsabilité est retenue en raison des vices affectant les matériaux qu’il a mis en œuvre pour la réalisation de l’ouvrage, doit pouvoir exercer une action récursoire contre son vendeur sur le fondement de la garantie des vices cachés sans voir son action enfermée dans un délai de prescription courant à compter de la vente initiale. (…) L’entrepreneur ne pouvant pas agir contre le vendeur et le fabricant avant d’avoir été lui-même assigné par le maitre de l’ouvrage, le point de départ du délai qui lui est imparti par l’article 1648, alinéa 1er, du code civil est constitué par la date de sa propre assignation et que le délai de l’article L. 110-4, I, du code de commerce, courant à compter de la vente, est suspendu jusqu’à ce que sa responsabilité ait été recherchée par le maitre de l’ouvrage ».

Sur ce point, la Cour renvoie à un arrêt rendu par la même chambre en février 2022 (Cass. 3ème civ. 16 février 2022, n° 20-19.047).

Concernant l’action du vendeur à l’encontre de son propre vendeur, la Cour ajoute : « dès lors que le vendeur peut voir, ainsi, sa garantie recherchée par le constructeur et qu’il ne peut, non plus, agir avant d’avoir été assigné, le recours contre son propre vendeur ne peut, pas plus, être enfermé dans le délai de prescription de droit commun courant à compter de la vente initiale. La prescription de ce recours est elle-même suspendue jusqu’à ce que la responsabilité de son auteur soit recherchée. »

Pour mémoire, la chambre commerciale considère pour sa part, que « l’action en garantie des vices cachés, même si elle doit être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, est aussi enfermée dans le délai de prescription prévu par l’article L. 110-4 du Code de commerce, qui court à compter de la vente initiale » (Cass. com. 16 janvier 2019, n° 17-21.477 ; v. également Cass. 1ère civ. 6 juin 2018, n° 17-17.438).

Ainsi, pour la chambre commerciale et la première chambre civile, il est nécessaire de distinguer entre d’une part, le délai de deux ans (autrefois « bref délai ») à compter de la découverte du vice, posé par l’article 1648 du Code civil pour l’action en garantie des vices cachés, et d’autre part, le délai butoir de cinq ans courant à compter de la vente, applicable en vertu de l’article L. 110-4 I du Code de commerce (applicable aux obligations entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants).

La chambre commerciale avait toutefois pu préciser que « le délai dont dispose l’entrepreneur pour former un recours en garantie contre le fabricant en application de l’article 1648 du code civil court à compter de la date de l’assignation délivrée contre lui ».

Dans l’arrêt commenté, la troisième chambre civile confirme cette position en considérant que la « connaissance du vice », exigée par l’article 1648 du Code civil pour agir en garantie des vices cachés, est fixée pour l’entrepreneur et les vendeurs successifs, à la date de l’assignation dont il font l’objet, et non à la date de la vente initiale (Cass. com. 29 juin 2022, n° 19-20.647).

En revanche, la troisième chambre civile s’éloigne de la position dégagée en 2018 et 2019 par la première chambre civile et la chambre commerciale ; elle considère que le délai applicable à l’action de l’entrepreneur et des vendeurs successifs, est le délai de cinq ans posé par l’article L. 110-4 I du Code de commerce. Ce délai de cinq ans commence à courir à compter de la vente, mais est suspendu jusqu’à la date de l’assignation délivrée à la partie qui entend agir en garantie des vices cachés. Elle en conclut qu’en l’espèce les actions n’étaient pas prescrites.

Précisons que la solution énoncée est relative aux ventes conclues avant l’entrée en vigueur de la réforme de la prescription civile par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008. En effet, cette loi a introduit un article 2232 dans le Code civil, qui prévoit que « le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit ». Pour la troisième chambre toutefois, « le délai butoir de l’article 2232, alinéa 1er, du code civil n’est pas applicable à une situation où le droit est né avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 » (Cass. 3eme civ. 1er octobre 2020, n° 19-16.986).

Ainsi, pour la troisième chambre dans l’arrêt commenté, le délai de cinq ans constitue un délai d’action, et non un délai butoir. Le délai de deux ans (autrefois « bref délai ») posé par l’article 1648 ne trouve donc pas à s’appliquer. Il en résulte une possibilité d’action de cinq ans à compter de l’assignation de l’entrepreneur ou des vendeurs successifs, pendant une durée vraisemblablement, et de façon fort déconcertante, illimitée, ce qui ne manque pas d’apparaître comme une solution insatisfaisante en pratique.

 

Cass. 3ème civ. 8 février 2023, n° 21-20.271




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